Lien de cause à effet:
La causalité met en relation deux objets dont le premier est la cause proprement dite et le second l’effet de cette cause. Par exemple, pour l’épidémiologie, l’objectif est de découvrir l’existence de relations causales de certaines substances qui affectent le corps et provoquent certaines maladies.
La compréhension du principe de causalité est une question centrale en philosophie des sciences.
la Figuration Narrative. Ecole essentiellement franco-française, ce courant post-sixities prétend traduire le quotidien par tout ce que l’on en perçoit, ou plutôt tout ce que l’on en cache. Si la dimension figurative apparait clairement au travers de cette approche, elle ne peut être détachée de l’idée de narration. Un récit disséminé entre les lignes, au revers d’un titre ou simplement dans le cadrage
Thomas Demand est un artiste né en 1964 à Munich qui reproduit en carton en taille réelle des décors d’endroits qui existent déjà avant de les photographier et de les détruire.
https://youtu.be/gJIcbjrT4Zs
( pacific sun 2012)
Extrait d'une séquence captée par une des caméras de surveillance d'un bateau de croisière et diffusée sur youtube. Pour recréer la scène de panique dans le restaurant du bateau, il a remis en scène la séquence originale dramatique ou l'on voyait chaises, tables et gens glisser d'un côté à l'autre de la salle. Dans son film, Demand recrée méticuleusement tous les mouvements de ce presque désastre, mais il omet les gens...
https://youtu.be/gJIcbjrT4Zs
( pacific sun 2012)
Extrait d'une séquence captée par une des caméras de surveillance d'un bateau de croisière et diffusée sur youtube. Pour recréer la scène de panique dans le restaurant du bateau, il a remis en scène la séquence originale dramatique ou l'on voyait chaises, tables et gens glisser d'un côté à l'autre de la salle. Dans son film, Demand recrée méticuleusement tous les mouvements de ce presque désastre, mais il omet les gens...
THOMAS SCHUTTE
(Mirrored octagon)
http://www.thomas-schuette.de/website_content.php
L'œuvre de l'artiste allemand Thomas Schütte est une œuvre en mouvement, mouvement des problématiques et des formes, renouvellement incessant des matériaux et des genres. Au travers de la sculpture, de l'aquarelle, du dessin et de la peinture, jouant entre le figuratif et l'abstrait, son travail fait référence à la fois à des âges anciens de l'humanité (la Grèce, Rome) et à une critique de la postmodernité, s'intéresse à l'espace public comme à l'espace intime de l'atelier, à des enjeux socio-politiques comme à des problèmes formels, requiert des matériaux bruts et banals aussi bien que des matériaux nés des techniques de pointe. Par sa diversité plastique et ses nombreux centres d'intérêt, Schütte peut être classé parmi les artistes contemporains les plus engagés.
PAUL MACCARTHY
Il est assez important de capter que sous des airs de joyeux branleur, ou de fouteur de merde de l’art contemporain,paul maccarthy travaille énormément autour de projets vidéos, a aller voir de plus prés
L’exemple de cette sculpture installée sur la place Vendôme l’année dernière est assez important. D’abord, il faut constater qu’avant de ressembler à un plug anal, elle ressemble bien plus à la forme épurée, presque abstraite, d’un sapin de Noël. Quelques réacs y ont surtout vu un plug et la démarche de McCarthy ne leur donne pas vraiment tort.
ANAIS LELIEVRE
Les CLOCS sont des sculptures-performances créées par Anaïs Lelièvre, artiste plasticienne. Les premières CLOCS ont été cousues en décembre 2012 et animées par des performeurs dès janvier 2013. Depuis elles se développent en se confrontant sans cesse à des situations nouvelles...
Les CLOCS sont des sculptures en métamorphoses incessantes, des performances improvisées qui interagissent avec tous contextes, des êtres indéfinis qui redécouvrent le monde hors des repères établis.
Les CLOCS sont des amas de vêtements usagés, cousus les uns aux autres par des liens élastiques, jusqu'à former une enveloppe que des corps en dessous revêtent comme leur peau et qu'ils viennent animer. Ces membranes relationnelles, plissées et imprévisibles, s'adaptent à des situations diverses, recréant chaque fois la surprise. Forme de vie en éclosion et en devenir, les CLOCS sont aussi une matrice qui suscite chez les passants des réactions multiples. Elles surgissent au détour de ruelles et autres recoins quotidiens pour renouveler et interroger notre manière d'exister dans l'espace public, d'y rencontrer l'autre, et de cohabiter avec lui.
ROBIN DECOURCY
https://youtu.be/Q7qSknJ_1Wc
Une contre-tactique par Sylvain Pack, 2007
Si les propositions figuratives de Robin Decourcy sont affirmées d'emblée, elles cherchent par leurs artifices et leur apparente tendresse les profits d'une observation différée. Elles invitent au retard. Ainsi la série des grands formats au crayon de couleur nous entraînent dans des latences, des instants d'écoutes particulières: résultats de procédés graphiques, paysages ou « scènes » se laissant regarder sur une assise adaptée à l'oeil du regardeur. Assez rapidement pourtant on voit se tendre les pièges du concepteur, des processus qui ont plus à voir avec le théâtre de la cruauté, les vertiges dimensionnels d'une Alice ou le monde hallucinant du poète cubain Reinaldo Arenas.
Tout comme dans son travail chorégraphique, le trait de Robin Decourcy poursuit un dessin précis et exigeant. D'apparence naïves ses représentations consignent les ambiguïtés d'un réel tangible. Ces ambiguïtés assignées à l'homme dans son rapport à la violence ou à l'enfance sont passées sous le filtre de soins élaborés et studieux. L'étudiant dissèque des sujets indociles. Réitérant des codes artistiques liés à des représentations occidentales dites populaires, il fait aussi lentement dériver ses actions du côté périphérique : banlieue, no man's land, stratosphère, monde rural, vide d'une feuille usée comme d'un exotisme décalé. Par sa filiation picturale à l'art brut, au pop-art , à l'illustration, il donne à ses formes les aspects d'un certain réalisme, comme "éculé". Ainsi la question d'un « bon goût » en art, d'un certain penchant pour le bas-côté et la relation quasi-suspecte qu'il entretient avec l'iconographie religieuse et mythologique font de sa pratique quotidienne un terrain d'observations comparables à des systèmes poétiques d'hors-champ, ou d'autres jeux plus herméneutiques.
De ce regard oblique et volontiers confus, Robin Decourcy nous convie à la visite d'un monde à notre échelle en disséminant des actions, des images et des évènements. En mettant des groupes et des êtres humains dans des situations expérimentales et en relatant des performances alliant sa vie à des situations marginales, il ramène le plus souvent des situations complexes à des gestes simples, compréhensibles, acceptables. (...)
Le corps humain, le paysage ou l'objet à la portée du corps humain, semble être au final dans la pratique plastique de Robin Decourcy , le support d'une méditation, d'une réflexion plus large à partager. Jouissances, contemplations, abandons, solitudes, maladies psychiques, vices, accidents sont autant d'états qu'ont peut commencer à identifier dans le tressage de son iconographie mais il apparaîtrait que, tout comme dans ses supports de présentation, ses encadrements ou certaines délimitations de ces dessins il y ait une préférence donnée à une inconstance du sujet, d'une spécialité dans sa dissémination, comme une obéissance profondément tactile, contre-tactique.
EMMANUELLE BENTZ
Emmanuelle Bentz est plasticienne et poète à la fois.Elle écrit des textes qu'elle met en scène sous différentes propositions. La plupart de ces propositions forment le corpus d'enseignement de la PP SCHOOL (poète performer school), école fictive oû l'on apprend à communiquer avec son corps ce qui est incommunicable, "oû chaque acte ou non acte est considéré comme une action théorique".
Parallèlement à cette école dont elle est à a fois maître d'oeuvre et maître d'oeuvre et maître d'ouvrage, elle participe à des lectures publiques dans lesquelles son corps et sa diction jouent un rôle prépondérant.
Eric Mangion "ne pas jourer avec les choses mortes" villa arson 2008
C’est doux c’est suave c’est lisse c’est ouaté et c’est cher payé 2010 Une vidéo projetée avec dessins et mots, 2 micros sur pied La lecture passe de l’un à l’autre parfois frénétiquement 45 minutes Dans le cadre de l’inauguration de la Bibliothèque Simone de Beauvoir à Rouen, 2010 Des ustensiles, friandises et autres convoitises manufacturés, dessinés, sont projetés sur grand écran. En fond une musique d’ambiance généreusement dans l’air du temps. (création Julien Hô Kim). Une voix suave et séduisante stimule en vous le consommateur, une autre décrit en injonction, différentes règles, devoirs et recommandations de sécurité. Du bien être, en passant par le sécuritaire, pour finir sur la bourse. Et à la fin, dans le noir, c’est violent. |
FLORIAN LAMOUROUX
Casting est une collection d'autoportraits où je me mets en scène dans des déguisements de sacs plastiques dont la fabrication rudimentaire témoigne d'un recyclage en son plus simple procédé et d'une volonté de réalisation rapide et quasi immédiate.
RAPHELLE PAUPERT BORNE
https://youtu.be/7cA-WvvPgA0
"Fafarelle vêtue d'un grand manteau et d'un bonnet en fourrure synthétique rouge écarlate, le tout agrémenté de grelots..., porte sa maison dans un sac en plastique, en sort son tapis arabe pour y faire un numéro de plateaux chinois... Fafarelle est aussi le personnage de mes peintures. Fafarelle est ce que j'aurais été dans un théâtre de village aujourd'hui disparu. Inspirée du clown qui n'a comme expression que des actions quasi muettes, des rituels africains qui théâtralisent la vie quotidienne, de Dada et ses gestes ?gratuits?, ce clown est déplacé, de la scène vers les arts plastiques. Son vécu habite la peinture et les tableaux tiennent lieu de répétition pour mes spectacles. La peinture me permet de le sortir, de le promener dans la campagne. Visiteur dans un espace public ou familial, il donne la mesure des situations vécues et dans les peintures il est l'échelle dans le paysage. Déplacer Fafarelle dans un décor peint ou un extérieur et le présenter ainsi aux spectateurs. Peindre... Je m'approprie des techniques, j'emprunte les styles ou les figures de peintres en fonction de ce qui résonne pour moi dans leurs tableaux. Du quattrocento italien, les personnages portraitisés qui envahissent le tableau alors que le paysage existe néanmoins et les caractérise. De Giotto, la simplicité et la spiritualité des personnages et de la couleur. Des modernes, la frontalité et la rudesse des moyens." Raphaëlle Paupert-Borne, 1998 |
http://www.theatreispoug.com/
"les vishysto résistant 1-5 je les paie avec la politesse"
encre sur papier 53/15 cm 2009
Leonard Lamb est à la fois le nom (anglophone) d'un artiste, et celui d'un personnage (joué, dans le spectacle Les Animals, par tous les comédiens).
Leonard Lamb est d'abord né en tant que personnage sous le crayon de l'artiste, qui en a ensuite adopté le nom. C'est un être asexué, presque toujours chauve, parfois macrocéphale, habillé en noir et blanc. Il se multiplie à la surface des tableaux, devient foule, évolue dans l'intermonde imaginal comme un banc de poissons au sein de l'océan. Sa calvitie est-elle le signe d'une nudité métaphysique ou la marque que la grande hache de l'Histoire est passée par là ? Elle appelle parfois son contraire, la fourrure de l'animal.
Amorphe, craintif, capable d'une colère léonine comme de brouter l'herbe de l'oubli, tantôt victime, tantôt bourreau, Leonard Lamb figure l'impossible innocence de l'homme.
Leonard Lamb est aussi le nom d'un artiste. La peinture est son activité principale. Il est l'auteur de tableaux à l'huile, à l'encre ou à l'aquarelle, aux dimensions monumentales, peints avec l'amour du détail et le foisonnement imaginatif d'un miniaturiste.
Son univers spontanément cosmologique s'est creusé, avec les ans, d'angoisses liées à l'histoire et d'une douloureuse pulsion autobiographique. La manière de ses peintures rappelle certains membres de l'art brut ; pourtant les références culturelles y abondent, à la musique (Bach et Mahler), à la littérature, au cinéma, ainsi qu'un dialogue tendu et conflictuel avec la Bible et la tradition religieuse hébraïque et chrétienne. L'histoire, particulièrement la Shoah, y est convoquée de façon oblique, obsessionnelle. Ses phares ? Les visionnaires anglais William Blake et Stanley Spencer, le cinéaste Paradjanov, Matthew Barney autant que Pirosmani, l'art roman, Adolf Wölfli, Richard Lindner, les Primitifs flamands ou italiens.
Hantés par une intense nostalgie de la mort en même temps que d'un sentiment de colère à l'encontre du mensonge et de l'injustice, les songes de Leonard Lamb sont brodés avec une douce patience de dentellière et un appétit d'enfant pour les libres immensités.
Marie Cordié
MARIE CORDIÉ LEVY : “LA CHORÉGRAPHIE AUTOPORTRAITISTE D’HELENA ALMEIDA”
Afin de voir dans quelle mesure le terme « autoportrait » s’applique à la photographie d’Helena Almeida, il convient de revenir sur les caractéristiques distinctives de l’autoportrait tel qu’il s’imposa dès l’invention du médium en 1839.
Notons tout d’abord que l’autoportrait signe la fondation d’une pratique artistique nouvelle qui rompt avec celles en usage. C’est le cas de l’autoportrait d’Hippolyte Bayard réalisé en France en 1840, qui, même s’il se représente en noyé, expliquant par là son désespoir d’être devancé par Daguerre, n’en installe pas moins par sa mise en scène une pratique photographique théâtrale et romantique où se disputent fiction, rébellion et liberté. C’est également le cas des autoportraits d’Henry Fitz et de Robert Cornelius, qui dès l’arrivée du daguerréotype en Amérique, font ce geste fondateur en parfaite symbiose avec l’engouement américain pour le nouveau médium, le premier se présentant en homme qui rêve, le second en homme fébrile avide de nouveauté. Il en va de même pour Mathew Brady qui pendant la guerre de Sécession pose en photographe de guerre, inventant le modèle du photographe reporter dont l’exigence et la quête de vérité inspireront les futurs grands reporters comme Robert Capa 1. Alfred Stieglitz s’inscrit dans cette même tradition avec son autoportrait de 1911 et marque la naissance de la photographie pure, inaugurant là un art à part entière 2. Les femmes photographes ne sont pas en reste, qui prônent de nouveaux modèles de comportement comme Frances Benjamin Johnston posant en femme libre en 1898 : elle fume, boit de la bière et montre son jupon.
On pourrait considérer la première œuvre d’Helena Almeida, Pink Canvas to Wear (1969) comme une prise de position autoportraitiste en rupture avec l’art pratiqué au Portugal 3.
L’artiste y affirme un rapport décalé avec la peinture qu’elle porte sur le ventre. Le vide de la toile qui marque la fin d’une pratique picturale — elle parle alors de la nécessité d’en finir avec la peinture — dirige notre regard vers son visage et son regard rieur juste au dessus 4. Et Bernardo Pinto de Almeida dans un article qu’il lui consacre de confirmer : « Le rétinien même de la peinture est destitué afin que tout, forme et contenu, évolue vers un plan purement conceptuel » 5. Helena Almeida fonde ici une nouvelle pratique artistique, photographique et autoportraitiste, comme l’avaient fait avant elle tous ceux que nous venons d’évoquer.
Chez tous ces photographes fondateurs, l’autoportrait se rattache malgré tout aux pratiques artistiques antérieures. Les références picturales abondent : le chapeau de Bayard renvoient aux peintures pastorales, la position de Frances Benjamin Johnston à celle de l’ange annonciateur, le contraste ombre/lumière de Stieglitz aux autoportraits de Rembrandt.
Chez Helena Almeida, la sculpture est fondatrice puisque c’est dans l’atelier de son père qu’elle continue aujourd’hui à mettre en scène ses chorégraphies 6. Après la remise en cause de Pink Canvas to Wear, elle s’intéresse à une des constantes de l’art pictural : les jeux de la mimesis. Dans Feel Me (1979) elle crée un paradoxe visuel brillant à l’instar du jeune Giotto qui posa du bout de son pinceau une mouche au coin du tableau que son maître Cimabue, la croyant vraie, voulut chasser. Chez elle, pas d’insecte mais uniquement les mains. Voici comment elle en explique la genèse :
« Un jour, je tenais un fil qui représentait la ligne sortant de la toile – car c’est par là que j’ai commencé, avant même d’en finir avec la peinture. Le dessin m’aide beaucoup. Je dessinais un fil, ensuite j’enfilais le fil de crin et il y avait alors deux plans. »
La matière de la peinture, le pigment, reste une autre constante de son œuvre : du rose qui n’existe que dans la légende, elle passe au bleu d’Inhabited Painting(1976) « pour montrer l’espace » dit-elle, et au noir, celui de la ligne du pigment posé à travers la pièce d’Inside Me (1998) qu’elle ingurgite 7. Elle établit dès lors avec l’art pictural un rapport oscillatoire de push/pull 8. La peinture est vide, (Pink Canvas to Wear) mais son pouvoir mimétique est hors pair, (Feel Me), il la submerge d’un bleu illimité (Inhabited Painting) que seule l’incorporation ou l’occupation spatiale permet de déjouer (Inside Me). En fondant une pratique photographique nouvelle en rupture mais en continuité avec l’art pictural, Helena Almeida se montre ainsi fidèle à la première caractéristique de l’autoportrait photographique.
La deuxième caractéristique est qu’il est une cosa mentale. Les photographes ne possédaient pas comme aujourd’hui de perche à selfie mais ils avaient des assistants ou des amis qui déclenchaient pour eux quand ils le désiraient. Si personne n’a à ce jour mis l’accent sur ces collaborations, c’est parce qu’elles semblent gêner l’idée que l’autoportrait se fait seul face à soi-même, ce qui était impossible au temps où l’obturateur nécessitait la présence d’un assistant. Tous les photographes n’utilisaient pas le déclencheur à distance qui n’apparut qu’au milieu du XIXe siècle 9. Prenons quelques exemples emblématiques : Anne Brigman en Californie ou Claude Cahun, connue pour avoir donné à l’autoportrait ses marques de noblesse en France, ont toutes les deux été épaulées, la première par sa sœur, la seconde par la compagne qui partageait sa vie. Il faut admettre que l’autoportrait est une cosa mentale de l’ordre du « point de vue » pour reprendre le terme de Niépce. Elle en fait même une vidéo particulièrement émouvante, où mari et femme avancent ensemble liés à jamais le long d’une ligne de pigments déposé au milieu de l’atelier qu’ils effacent au fur et à mesure de leur progression.
Dans le cas d’Helena Almeida, qui depuis ses débuts travaille en collaboration étroite avec Artur Rosa, son mari architecte et photographe, on pourrait considérer que son œuvre possède cette deuxième caractéristique 10. En effet, c’est elle qui, tel Jacques Henri Lartigue, esquisse au préalable la mise en scène qu’elle entend voir réaliser par son mari comme les croquis de Seduce (2001) l’attestent 11. Mais là où d’autres photographes éludaient cette collaboration, elle l’affiche dans la photographie Sans titre (2010) où, pour fêter leurs trente ans d’expérience commune, ils sont attachés à la jambe par un long lacet.
Un troisième point particulièrement intéressant est celui de la spécificité de l’autoportrait féminin. Les femmes photographes du début du XXe siècle se présentaient en pied comme Frances Benjamin Johnston, et parfois nues comme Anne Brigman (Soul of the Blasted Pine, 1908) ou Imogen Cunningham (Self Portrait, 1909). Être femme, c’était d’abord reconnaître son corps dans sa capacité d’enfanter à l’opposé des hommes dont les autoportraits en plan trois quart suivaient, souvent, la tradition des bustes antiques des grands hommes. Sur fond d’atelier, d’appartement ou de nature sauvage et afin de mieux s’imposer dans la vie réelle, les femmes utilisaient l’autoportrait pour affirmer leur autonomie en imposant leur nudité, en s’appropriant les pratiques masculines (la choppe de bière, la cigarette) ou en pratiquant la mascarade (le masque chez Alice Austen, Trude and I Masked, circa 1910). La multiplicité et la sérialité les caractérisaient : elles se photographiaient souvent à chaque tournant de leur vie — mariage, divorce, naissance — comme Imogen Cunningham, ou dans une recherche approfondie toujours plus intime comme Claude Cahun à la recherche du sexe neutre.
Or dès les premières œuvres où Helena Almeida apparaît (Pink Canvas to Wear1969, Inhabited Canvas, 1976), l’humour décalé et la sérialité dominent : elle ne cesse d’utiliser son corps comme outil privilégié d’expression, qu’il soit présenté comme fragmenté — main et doigt dans Feel Me, de 1979, yeux et bouche dans Hear Me de 1979, bras et pied dans Seduce de 2001— ou entier comme dans Thick Space de 1982 12. Elle explique cette focalisation ainsi : « Tout a son importance : une main ouverte ou fermée représente tout, ou une main comme ceci, ou comme cela. J’ai besoin de faire le dessin de chaque chose » (« Une conversation qui ne s’achève jamais »). Quant à ses longues séries photographiques, Bernardo Pinto de Almeida les interprète comme des mises en abyme infinies:
« Ainsi, les images d’Helena Almeida opèrent comme des images d’images à perte de vue, se perdant dans l’écho d’elles-mêmes comme de purs reflets, aboutissant ainsi à un ajournement où l’idée qu’il puisse exister un original simplement s’évanouit, car de lui ne subsiste qu’un souvenir ténu. »
Commencée dans les années 1960 à l’heure du body art pratiqué par les artistes féministes comme Valie Export, Marina Abramovic, Orlan, ou Cindy Sherman, l’œuvre d’Helena Almeida suit-elle le même chemin revendicatif alors qu’elle se considère plutôt comme « une post féministe qui vit ce qu’elle avait envie de vivre » 13. Nous pouvons remarquer chez elle peu de politique de résistance féministe comme chez Valie Export, le corps y est peu malmené, hormis le Hear Me aux lèvres cousues. Le cadre reste sobre, classique, parfois même lié au sacré : jupe noire sous le genou (Seduce) chemise blanche et veste noire (Inhabited Painting), robe blanche de première communiante (Inhabited Canvas), immense robe noire qui évoque, dit-elle, l’Espagne du flamenco à laquelle elle est très attachée (Thick Space). Prédomine l’idée paradoxale d’effacement, de se cacher souvent le visage (Hear Me, Inhabited Painting), le corps (Thick Space, Seduce), d’automutilation (Hear Me), de passion secrète (Seduce). La chorégraphie installée joue avec notre frustration comme si notre liberté ne pouvait advenir qu’entre les plis du destin tracé par le cadre de l’atelier paternel à la pesanteur choisie. En réduisant les champs du visible, elle nous fait advenir à une forme de sacralité et à une féminité intime qui se joue dans le passage du dehors au dedans récemment magnifié par le changement d’échelle 14.
Alors comment rendre compte du fait qu’elle n’utilise jamais le termeautoportrait ? Sachons ici que ni Michel Ange, ni Caravage n’ont utilisé ce terme alors même qu’on les y reconnaissait l’un dans le Jugement Dernier sous les trait de Saint Bartholomé, l’autre sous les traits de Goliath dans son tableau de 1610, David tenant la tête de Goliath. Il en est de même chez le photographe Fred Holland Day posant en Christ dans sa série intitulée Crucifixions(1898). Ces autoportraits ont été qualifié d’ « autoportrait délégué » puisque c’est sous les traits d’un autre, Saint Bartholomé, Goliath, le Christ que ces artistes se représentent. Dans le cas d’Helena Almeida, nous pouvons remarquer une dérive métonymique de la notion dans la mesure où les légendes des photographies ne sont pas liés à l’autre mais à une partie de son corps quand elle assimile la peinture (Inside me), à l’espace dans lequel elle s’inscrit (Inhabited Painting, Thick Space), ou comme un appel au regardant (Hear Me, Feel Me, See Me). Dans ce dernier cas, sa pratique devient fictionnelle puisque Hear Me, Feel Me, See Me, est une reprise du poème de Peter Townshend qui signe l’ouverture de l’opéra des Who, Tommy (1969). Helena Almeida adopte la posture prônée par le nouveau roman où l’être est mis en avant par ses actes et ses paroles. Comme chez Nathalie Sarraute, elle ramène ses questionnements au cœur de son œuvre, et par sa performance en densifie le propos afin de réduire l’espace entre elle et son public. Mais le terme d’autoportrait même métonymique ne peut lui être attribué puisqu’elle ne le reconnaît pas.
Pour conclure, les œuvres d’Helena Almeida ne sont ni des autoportraits ni des performances féministes puisqu’elle en a décidé ainsi. « En devenant le sujet de son œuvre, Helena Almeida n’est pas dans l’autoreprésentation » confirme Cornelia Butler. Ce désintérêt pour le caractère autoportraitiste de son œuvre pourrait s’expliquer par l’idée qu’aujourd’hui l’autoportrait aurait disparu, dilué dans une congruence médiatique, comme l’explique Bernardo Pinto de Almeida:
La présence a cessé d’être presentness (présence en soi) pour se transformer en un réseau de présentations (c’est-à-dire des présences différées, médiatisées). […] Une présence qui se déplace, donc, de l’œuvre vers le spectateur, dont l’absence requiert l’intervention substitutive de l’image documentaire en tant que registre immatériel (d’un avoir-été).
Comme à Cindy Sherman, il a semblé plus important à Helena Almeida de figurer comme artiste indépendante ayant la totale maîtrise de son œuvre. Même si de nombreux points la rapprochent de Claude Cahun, elle s’en distingue par la qualité de ce qu’elle propose : une chorégraphie autoportraitiste maitrisée où le corps, porteur de conscience de soi, se pare de sacralité 15 et où l’immensité des tirages exalte la délicatesse d’un don poétique abouti. Nous qualifierons toutefois cette chorégraphie d’autoportraitiste dans la mesure où, comme l’a dit Diderot, la conscience de soi est irréductible. 16
[…] Mon intention n’était pas de faire un enregistrement descriptif d’une action mais plutôt de donner la sensation de l’espace en mouvement, en pénétrant et en me diluant dans les zones vibrantes du dessin jusqu’à me fondre en lui et à former avec lui un espace physique, manipulé, divisé, coupé, vide et plein. 17
Marie Cordié
Marie Cordié Levy est docteur en histoire de la photographie et attachée au LARCA UMR 8225 de l’université de Paris-Diderot. Spécialisée dans la pratique photographique autoportraitiste aux États-Unis, elle a publié une série d’articles pour des revues en ligne (Transatlantica, E-Reaq, Sillages critiques) et contribué à des ouvrages collectifs. Elle aborde les autoportraits en suivant la théorie de la micro analyse définie par l’historien Carlo Ginzburg (voirAutoportraits de photographes, photopoche, Actes Sud, 2009, et L’autoportrait photographique américain, 1839-1939, Mare et Martin, 2015).
Bibliographie
Butler, Cornelia , « Hors champ, la toile habitée d’Helena Almeida » , Catalogue de l’exposition d’Helena Almeida au Jeu de Paume, mars 2015.
Pinto de Almeida, Bernardo, « Helena Almeida, signe d’une écriture immobile », Catalogue de l’exposition d’ Helena Almeida au Jeu de Paume, mars 2015.
Phelan, Peggy : « Helena Almeida : l’espace en bordure de l’image » , Catalogue de l’exposition d’ Helena Almeida au Jeu de Paume, mars 2015.
Wolinski, Natacha: « Helena Almeida, le corps à l’épreuve », in Connaissance des Arts, février 2015.
Entretiens
Conversation entre Helena Almeida et María de Corral », in Helena Almeida, cat. exp., Santiago de Compostela : Xunta de Galicia, 2000.
« Une conversation qui ne s’achève jamais » Entretien d’Helena Almeida avec Marta Moreira de Almeida et Joao Ribas. Catalogue de l’exposition d’Helena Almeida au Jeu de Paume, mars 2015.
Pinto de Almeida, Bernardo, « Helena Almeida, signe d’une écriture immobile », Catalogue de l’exposition d’ Helena Almeida au Jeu de Paume, mars 2015.
Phelan, Peggy : « Helena Almeida : l’espace en bordure de l’image » , Catalogue de l’exposition d’ Helena Almeida au Jeu de Paume, mars 2015.
Wolinski, Natacha: « Helena Almeida, le corps à l’épreuve », in Connaissance des Arts, février 2015.
Entretiens
Conversation entre Helena Almeida et María de Corral », in Helena Almeida, cat. exp., Santiago de Compostela : Xunta de Galicia, 2000.
« Une conversation qui ne s’achève jamais » Entretien d’Helena Almeida avec Marta Moreira de Almeida et Joao Ribas. Catalogue de l’exposition d’Helena Almeida au Jeu de Paume, mars 2015.